La loi de Murphy comme principe de gestion des risques

Par Guillaume Promé
le
13 Mai. 2024 Généralités, Risques et B/R

La loi de Murphy, ou loi de l’emmerdement maximal dans sa version French Tech, est un adage connu de tous et souvent résumé par :

Tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal.

C’est en fait une version amputée de la loi originelle, dont l’histoire vous est contée ci-dessous.

Le projet MX981

Dans les années 1940, les scientifiques étaient formels : le corps humain ne peut subir des décélérations supérieures à 18G. John Paul Stapp, colonel de l’US Air Force / docteur en biophysique / docteur en médecine (cela aurait eu de la gueule sur LinkedIn) n’était pas de cet avis, pour lui la limite était bien au-delà, pour lui il fallait expérimenter pour en avoir le cœur net.

Et pour ce faire, rien de tel qu’un bon vieux chariot monté sur rail, propulsé par plusieurs fusées et freiné par d’énormes freins hydrauliques :

Le “Traîneau à fusées” MX981
Selfie du Colonnel Stapp en pleine décélération

De véritables essais – pas très – cliniques sur l’Homme. Et John Paul Stapp ne voyait personne d’autre que lui pour assurer les rôles de promoteur et de cobaye.

Edward Murphy

Pour mesurer l’intensité des décélérations subies il fallait équiper le chariot de capteurs dédiés, c’est là qu’intervient Edward Murphy, ingénieur en aérospatial américain, il est membre de l’Air Force Institute of Technology et a la solution : des jauges de mesure d’effort à installer sur le chariot.

Les jauges sont montées, l’essai est réalisé, les mesures sont restituées : rien, aucune décélération n’est mesurée.

L’erreur était humaine : l’assistant de Murphy avaient câblé les capteurs à l’envers, en inversant la polarité.

Murphy eu alors cette réflexion :

Si ce gars a la moindre possibilité de faire une erreur, il la fera !

De l’esprit potache vers une loi universelle

Cette réflexion n’était pas tombée dans l’oreille de sourds, en effet, l’équipe d’ingénieur en charge du projet MX981 soufrait d’humour potache, ce qui les incitait à dériver des adages de leurs diverses expériences.

Florilège :

L’universelle appétence à l’incompétence fait de chaque accomplissement humain un incroyable miracle.

Paradoxe ironique de Stapp

S’il fait beau dehors, c’est qu’il y a du travail à faire.

Loi du soleil (particulièrement efficace en Californie)

Si une action proposée peut présenter le moindre dénouement insatisfaisant alors… laisse tomber !

Loi de Nichols

Jusqu’à la Loi de Murphy :

S’il y a plus d’une façon de faire quelque chose, et que l’une d’elles conduit à un désastre, alors il y aura quelqu’un pour le faire de cette façon.

Loi de Murphy; selon Robert Murphy, son fils

La loi de Murphy comme principe de gestion des risques

J’espère que vous aurez fait le lien avec la gestion des risques au cœur de la réglementation sur les dispositifs médicaux :

Les fabricants déterminent et analysent les dangers connus et prévisibles associés à chaque dispositif ; estiment et évaluent les risques associés à l’utilisation prévue et à une mauvaise utilisation raisonnablement prévisible.

Règlement (UE) 2017/745 Annexe I.I.3

Il s’agit donc de prendre en compte la Loi de Murphy avant de mettre sur le marché un dispositif médical :

S’il y a des risques associés à un dispositif médical ou à son utilisation, alors les dommages surviendront forcément.

ISO MURPHY 14971:1947

Conclusion

La loi de Murphy n’est donc pas une loi fataliste, qui vous dirait que le pire va forcément arriver. C’est une loi qui vous invite à anticiper les problèmes pour qu’ils ne surviennent pas, à identifier les risques pour ne pas causer de dommage au patient.

PS : Ce ne sont pas 18G que le corps peut encaisser

John Paul Stapp a subi des décélérations jusqu’à 46G ! Les dommages sont réels (fractures et éclatements de vaisseaux sanguins à gogo) mais le bon docteur était toujours debout.

À titre de repères : vous dépassez rarement 0.4G lors de vos freinages. Autour de 1G votre véhicule devient incontrôlable sans ABS. À 46G une tête de 5kg équivaut à 230kg projetés en avant !

Les Hommes dans les bureaux pensaient que le corps humain ne supporterait jamais 18G, ici, on en encaisse le double sans une goutte de sueur.

John Paul Stapp

Ces expériences et son expérimentateur auront fortement contribué à l’adoption des ceintures de sécurité, dont l’efficacité était clairement démontrée.


Pour en savoir plus : La loi de Murphy n’est pas ce que vous pensez